Déçus de l’élimination de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection, de nombreux artistes finissent néanmoins par appeler à voter pour Emmanuel Macron au second, afin de faire barrage à l’extrême droite.
Un vote « sans illusions [mais] sans hésitation et sans trembler ». Alors qu’une partie du monde de la culture avait fait part de sa déception après les résultats du premier tour de l’élection présidentielle, regrettant l’élimination prématurée de Jean-Luc Mélenchon, un grand nombre d’artistes et de professionnels de la culture ont finalement décidé de sortir du bois et d’appeler à voter pour Emmanuel Macron au second tour du scrutin.
« Si pour certains d’entre nous l’issue de ce premier tour n’a pas été celle espérée, si pour certains d’entre nous la méfiance demeure ; il n’y a pour nous, aujourd’hui, aucune hésitation (…). Nous ne nous laisserons jamais aller à renvoyer dos à dos un gouvernement démocratique et le Rassemblement national », écrit ainsi un collectif de plus de 400 artistes dans une tribune au Monde publiée vendredi 15 avril.
Porté par le comédien et metteur en scène Nicolas Briançon, ce texte a recueilli la signature de nombreuses têtes d’affiche, parmi lesquelles Jane Birkin et Charlotte Gainsbourg, Guillaume Gallienne, Mélanie Thierry, Sophie Calle, Gérard Jugnot et Thierry Lhermitte, Ariane Ascaride, François Cluzet, Sandrine Kiberlain, Louis Bertignac ou encore Gilles Lellouche. Tous affirment qu’ils voteront « sans aucune hésitation » pour M. Macron le 24 avril.
« On n’essaie pas le fascisme »
Un peu plus tôt dans la semaine, une centaine de responsables de lieux culturels avaient également signé une tribune appelant à choisir le président sortant. « Nous savons qu’il n’y a pas de monde commun sans culture et qu’il n’y a de culture que de la différence », plaident-ils dans ce texte dévoilé le 12 avril par Libération, expliquant que le choix est aujourd’hui entre « d’un côté, un monde vivant, imparfait, ouvert, qui porte en lui la différence comme principe actif [et], de l’autre, un monde clos, mortifère, subjugué par le fantasme identitaire ».
Lancé par Emmanuel Tibloux, directeur de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, ce texte a été signé par plusieurs responsables de théâtres publics, comme Stanislas Nordey (Théâtre national de Strasbourg), Macha Makeïeff (La Criée - Théâtre national de Marseille), Stéphane Braunschweig (Théâtre de l’Odéon à Paris), Emmanuel Demarcy-Mota (Théâtre de la Ville à Paris), José Manuel Gonçalves (le Centquatre-Paris)… Plusieurs patrons d’institutions y ont aussi apposé leur signature, comme Eric Ruf (Comédie-Française), Laurent Bayle (Philharmonie de Paris), Olivier Py (Festival d’Avignon) ou Jack Lang (Institut du monde arabe à Paris).
D’autres ont également décidé de s’exprimer à titre individuel. « On n’essaie pas Marine Le Pen ! On n’essaie pas le fascisme, aussi déguisé, aussi masqué soit-il », supplie ainsi Ariane Mnouchkine, directrice du Théâtre du Soleil, dans un entretien à Télérama, publié le 14 avril. « J’ai très peur du syndrome Clinton-Trump : on se disait que Trump ne passerait pas, que c’était impossible et on a vu », a rappelé de son côté le comédien Jacques Weber dans Le Parisien du 13 avril.
« Il faut s’exprimer »
Cette succession de tribunes et de prises de parole intervient après plusieurs jours de flottement, durant lesquels plusieurs figures, électrices de Jean-Luc Mélenchon au premier tour, ont fait part de leur dépit. Le cinéaste Xavier Beauvois a ainsi brûlé sa carte d’électeur dans une vidéo publiée sur Twitter, tandis que le romancier Pierre Lemaitre s’est agacé de se voir « donner des leçons de morale » à l’idée de s’abstenir au second tour. « Je ne veux pas dire, là, aujourd’hui, au lendemain du premier tour, que je voterai Macron », a de son côté expliqué la romancière Annie Ernaux, dans Libération le 11 avril, estimant qu’« il faut, pendant ces quinze jours, l’interroger, exiger des réponses et des engagements ». « Je viens de choisir de voter Macron, c’est un crève-cœur », a finalement déclaré l’écrivaine à L’Express, vendredi soir.
Reste à savoir si ces appels à faire barrage à l’extrême droite sont utiles. L’entourage d’Emmanuel Macron assure en tout cas ne pas les solliciter. « Pour une partie de la population, les artistes sont identifiés comme des gens qui vont bien. Solliciter leur soutien à travers des appels ou des tribunes peut-être contre-productif », estime le producteur de théâtre Jean-Marc Dumontet, « référent culture » de la campagne du chef de l’Etat. Mieux vaut, selon lui, « déconstruire le discours du Rassemblement national » plutôt que « culpabiliser les électeurs ».
Une tempérance à laquelle se refusent certains professionnels...
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