
En quinze ans, malgré les attentats, la crise du Covid et une inflation persistante, Paris a retrouvé le sens de la bringue, tirée par les musiques électroniques. La demande de reconnaissance de l’écosystème de la nuit a été entendue par les pouvoirs publics, alors que Berlin et Londres sont à la peine.
«Berlin n’a qu’à bien se tenir.» Devant un parterre de happy few, le maire socialiste du XIXe arrondissement, François Dagnaud, affiche un enthousiasme goguenard. Ce mercredi de la fin janvier, dans l’ancienne halle aux cuirs de la Villette, un nouveau club tout de béton brut vient de voir le jour : le Mia Mao. Fort d’un espace de 3 000 m² pour une capacité de 2 300 places, ce méga club tourné vers les musiques électroniques ambitionne de rivaliser avec ses homologues de la capitale allemande, le mythique Berghain en tête, et de faire rayonner la réputation fêtarde de la capitale française dans toute l’Europe. «Paris est très repérée du point de vue la vie nocturne, vante l’adjoint d’Anne Hidalgo chargé du tourisme et de la vie nocturne, Frédéric Hocquard. On a de plus en plus de touristes qui viennent faire la fête depuis l’étranger.»
Depuis la pandémie, Berlin et Londres, autre capitale du clubbing, sont à la peine sur fond de crise immobilière. Peu ou pas soutenus d’un point de vue financier par les pouvoirs publics, des clubs emblématiques de la nuit électronique disparaissent – comme le Watergate et le Renate de l’est berlinois, déjà ou bientôt fermés – ou sont menacés – le Printworks, dans une ancienne imprimerie de l’est londonien. Au contraire, Paris, où les établissements nocturnes ont, eux, été aidés, voit ces derniers mois l’éclosion tous azimuts de nouveaux lieux de la fête : le Mia Mao donc, mais aussi Essaim (450 places dans le Xe arrondissement) en octobre. Ajoutons, en ce début d’année : la Fête, place de Clichy (VIIIe), boîte disco pop pour bécébégés ou encore la péniche le Pisiboat (500 places dans le XIIe), dédiée à la techno tendance trance, qui doit être inaugurée le 6 mars.
L’espace de la nuit, autrefois concentré dans le centre et l’ouest parisien, avec ses nombreuses boîtes commerciales, comme le Raspoutine et le Duplex vers les Champs-Elysées, continue donc de s’étendre vers le nord-est de la capitale et sa proche banlieue. Le parc de la Villette dans le XIXe arrondissement s’est transformé en énorme dancefloor, au milieu d’une ribambelle de bars et clubs : le Cabaret sauvage, A la folie, le Trabendo, Kilomètre25… et, un peu plus loin, le Gore, Glazart et FA\WA, voire Nexus, à Pantin. «Dans l’ancien bassin industriel du nord-est, il y a moins de pression foncière», avance Arnaud Idelon, programmateur du Sample, tiers-lieu culturel et festif ouvert en 2022 à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Nouvel âge d’or de la nuit made in Paris ou trompe-l’œil ?
Après le Covid, un «retour de flamme»
Chiffrer cette expansion est difficile. Les pouvoirs publics disposent étonnamment peu de données en la matière et leurs rares chiffres divergent. Le nombre d’établissements nocturnes intra-muros ouverts après 2 heures du matin (soumis à une autorisation de nuit ou de la catégorie des boîtes de nuit) a fortement cru en une quinzaine d’années. Selon la Chambre de commerce et d’industrie d’Ile-de-France, à Paris, le nombre non exhaustif de «cabarets, dîners spectacles et discothèques» – pas tous ouverts après 2 heures du matin donc – a été multiplié par près de quatre en douze ans, passant de 44 en 2011 à 167 en 2023.
Mais ces chiffres ne prennent pas en compte les établissements avec une autorisation de nuit, au nombre de 300 au 1er février 2025, selon la préfecture de police de Paris. Soit, en recoupant ces données parcellaires, autour de 450 lieux ouverts après 2 heures du matin, si l’on considère qu’il y a 150 clubs et discothèques. Les cartographies de l’Atelier parisien d’urbanisme, établies à partir des chiffres de la préfecture, en compilaient, elles, 385 en 2017, pour la plupart concentrés dans les arrondissements à un chiffre. Soit une hausse de 16 % en huit ans, selon nos calculs. Et les maigres statistiques officielles oublient les...
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