Vendredi 31 janvier, le ministère de l’Éducation nationale a mis fin à la part collective du pass Culture pour l’année scolaire en cours, en invoquant des raisons budgétaires. Une décision incomprise, injuste et contestable.
«401 élèves qui ne verront pas de spectacle, quarante élèves qui ne participeront pas à des ateliers artistiques, 2 000 euros que ne toucheront pas les artistes pour les ateliers, 1 480 euros de billetterie en moins, trois représentations vides si les lycées n’arrivent pas à compenser », énumère la secrétaire générale du Théâtre Antoine-Vitez d’Ivry-sur-Seine (94), Lucie Cabiac. « Et encore, sur dix-neuf demandes de réservations, on a réussi à en sauver sept… » Comme elle, des milliers d’acteurs culturels, de chefs d’établissement, de référents culture dans les collèges et lycées ont assisté sidérés à l’arrêt brutal de la part collective du pass Culture le vendredi 31 janvier en début d’après-midi, et commencé à faire le compte de tout ce qui ne pourra pas se faire.
Depuis deux jours, un vent de panique s’était levé dans les milieux de la culture et de l’éducation. Des fuites en provenance des rectorats annonçaient l’imminence de cette fermeture. « La rumeur s’est répandue à toute allure, confirme Adrien de Van, le directeur du Théâtre Paris-Villette (Paris 19ᵉ). On cherchait en vain la trace d’une communication officielle, on s’appelait entre théâtres, on scrutait les réseaux sociaux. » La confirmation est arrivée le 30 en fin de journée sous la forme de courriels en provenance des directions d’académie. Elles intimaient aux chefs d’établissement de valider urgemment sur la plateforme du Pass les demandes de réservation de spectacles (théâtre, cinéma, visites de musées…) ou d’interventions d’artistes prévues dans les collèges et lycées. Faute de quoi, ils risquaient de les perdre par manque de financement.
Un budget sciemment sous-évalué
Situation improbable. En plein milieu de l’année scolaire, le monde enseignant et celui de la culture apprenaient sans que rien ne le laisse présager que les crédits dévolus à la part collective du pass Culture étaient sur le point d’être épuisés. Pour en comprendre la raison, il faut remonter à 2024. L’année dernière, le ministère de l’Éducation nationale avait prévu de consacrer 62 millions d’euros au financement de la part collective du pass Culture. Il lui en coûtera finalement 97. En 2025, il décide de lui affecter 72 millions mais pose deux principes. Il divise l’enveloppe en deux : 50 millions à dépenser jusqu’en juin au titre de l’année scolaire 2024-2025, 22 pour le début de l’année scolaire 2025-2026 (septembre à décembre). Et contrairement à 2024, pas question de dépenser un euro de plus que ce qui est prévu au budget.
À première vue, un acte de saine gestion en période de crise des finances publiques. En réalité, un tour de passe-passe d’une profonde mauvaise foi de la part de l’État. Car, si pour la deuxième année consécutive, la part collective du pass Culture dépasse le budget qui lui est alloué, ce n’est pas parce que les professeurs en abusent (chaque collège et lycée reçoivent une somme fixe en fonction du nombre d’élèves qu’ils accueillent), mais parce que le budget du Pass est sciemment sous-évalué.
La plateforme est prise d’assaut, sature, se déconnecte
C’est ainsi que ce jeudi 30, tout le monde apprend officiellement qu’il reste moins de 10 millions à dépenser sur les 50 prévus jusqu’en juin. La nouvelle fait l’effet d’une bombe. Les mieux informés ou les plus prévoyants avaient déjà commencé depuis quelques heures à sauver ce qui pouvait l’être. Là, tout le monde s’y met, à commencer par les référents culturels dans les collèges et les lycées qui vont passer une courte nuit.
La plateforme de réservation du pass Culture, Adage, est prise d’assaut, sature, se déconnecte à plusieurs reprises sous le flux des connexions. Le 31 janvier en début d’après-midi, c’est fini. La nouvelle tombe : les caisses sont...
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