Depuis plus de quarante ans, le spectacle vivant dans sa grande diversité s’est implanté sur les territoires et dans la vie des Français et des Françaises grâce à un consensus politique du local au national. Les scènes labellisées, les festivals, les espaces de création sont accompagnés conjointement par l’Etat et par les collectivités. Cet état de fait, qui s’appuie sur une logique de concertation (comité de pilotage, tour de table, conventionnement…), n’est pas seulement un mode de financement croisé : c’est une véritable garantie pour la liberté de création et de programmation. La sortie d’une région ou d’un département du financement d’un théâtre provoque, à court terme, des effets sur la richesse des programmations et sur l’emploi.
En effet, un théâtre qui perd 10 % ou 20 % de budget ne peut défendre ni une baisse du nombre de levers de rideau avec une équipe identique, ni des équipes réduites avec un projet artistique maintenu. Ce qui sera attaqué en premier, à travers les suppressions d’emplois et la baisse du budget artistique, c’est une certaine idée de la mission de service public portée par ces conventionnements croisés : travail avec les habitants, tarifs adaptés, programmation en proximité, logique de coopérations territoriales…
La place de l’art dans la vie des Français
A moyen terme, les effets peuvent être délétères et bien plus profonds. D’une part, la droite semble avoir trouvé un « acte de virilité politique » qui paie électoralement, comme l’a bien décrit Daniel Pennac. Christelle Morançais, présidente de la région Pays de la Loire, a immédiatement été félicitée par sa nomination comme nouvelle vice-présidente du parti Horizons ! Elle indique avoir « brisé un tabou », et elle a sans doute raison.
D’autre part, ce tabou levé, qui défendra le secteur culturel, et avec quels arguments ? Les organisations de gauche, dans leur grande diversité, ont contribué à inventer des politiques culturelles territoriales et à accompagner le développement considérable de la place de l’art dans la vie des Français. Pourtant, depuis près de vingt ans, se reposant sur un soutien électoral qui semble acquis pour elle dans le secteur culturel, la gauche n’a pas mesuré ni investi ces enjeux.
Alors que partout l’esprit de concurrence s’étend, le spectacle vivant n’est pas épargné et la baisse des financements publics ouvre un espace nouveau au capital. Un élu local qui voit la région ou le département sortir du financement d’un équipement n’a pas forcément la capacité de résister à la possibilité de confier à une société de production privée la gestion d’un théâtre ou d’une salle de concerts. La programmation, forcément standardisée, sera alors décidée ailleurs, la salle deviendra un « garage à spectacles » et le moment de la représentation, un acte de consommation. C’est déjà le cas dans de nombreuses communes. Le spectacle vivant doit-il devenir un produit de consommation comme un autre ? Alors que les élections municipales approchent, qui s’emparera de ces sujets ?
L’instabilité politique peut amener le pire ou le meilleur
Alors que partout l’extrême droite étend sa toile de racisme et de désinformation, alors que nos quartiers, nos villages, nos vies sont chaque jour plus affectés par le récit nauséabond et mondialisé de la guerre de tous contre chacun, quelle place pour l’art, le savoir et le commun dans nos quotidiens ? Le recul de l’« esprit public » et des moments de mise en partage de nos...