Nul ne peut nier les perspectives ouvertes par le numérique dans la culture. Mais l’heure n’est plus à l’enthousiasme (parfois naïf) provoqué par la nouveauté : le temps est venu d'évaluer en amont chaque projet pour promouvoir un numérique responsable. Un colloque organisé le 5 mai à Clermont-Ferrand a ainsi mis en évidence plusieurs questions-clefs.
Organisée par Les Interconnectés, réseau de territoires innovants pour accompagner la transformation numérique des collectivités, la rencontre du 5 mai à Clermont-Ferrand sur « la culture à l’ère du numérique » a fait dialoguer des élus, des professionnels de la culture et des spécialistes du numérique. Loin de l’effet « waouh », qui conduit à s’engager dans un projet sous l’effet de la seule innovation technologique, les intervenants ont invité les collectivités à évaluer en amont l’impact environnement et sociétal des projets. Avec quatre questions-clefs.
Est-ce bon pour la planète ?
La dématérialisation des activités humaines a longtemps été perçue comme un progrès pour l’environnement, notamment parce qu’elle limite les déplacements. On sait aujourd’hui, qu’elle n’est pas si vertueuse que cela. Pour ce qui est de la culture, elle constitue « le premier poste mondial de consommation de données, représentant près des trois quarts des émissions du numérique (1) liées à son utilisation, selon la manière dont on compte », évalue le Shit project dans son rapport consacré à la décarbonation de la culture. Des chiffres dont la croissance s’annonce exponentielle vu la montée en puissance de la dématérialisation.
Pour Blandine Galliot, conseillère métropolitaine de Clermont Auvergne Métropole et déléguée au numérique, à la gouvernance de la donnée et à la métropole intelligente, la question pertinente est donc : « qu’est-ce que le numérique apporte de plus dans des conditions environnementales maîtrisées, au-delà de son seul côté attractif ? » Loin de la course à l’innovation culturelle, la sobriété numérique devient le repère.
Le projet facilite-t-il vraiment l’accès à la culture ?
Parmi ces « plus » apportés par le numérique, la démultiplication de l’accès à la culture arrive en tête dans les débats. Et s’il était besoin d’une démonstration, la pandémie et son lot de confinements successifs l’ont apportée. « La crise sanitaire a été un accélérateur de la transition numérique. 46% des Français ont pris des habitudes nouvelles », a convenu Malika Seguineau, directrice générale du Prodiss, syndicat national du spectacle vivant privé, en référence à une enquête du ministère de la Culture réalisée à l’automne 2021.
Dans la mesure où il donne accès à des contenus, sans limite de temps et d’espace et de distance, le numérique ouvre effectivement des perspectives inouïes. « Les bibliothèques numériques donnent accès à des contenus en ligne, patrimoine compris, avec une mise en récit de ces contenus », a par exemple fait valoir Malik Diallo, directeur des bibliothèques municipales de Rennes et de la bibliothèque des Champs libres, et président de l’Association des directrices et directeurs des bibliothèques municipales et groupements intercommunaux des villes de France (ADBGV).
Avant de souligner rapidement un point de vigilance : « on sait aussi maintenant que la fracture est plus au niveau des contenus et des usages, plus que des outils ». Autrement dit, il revient aux porteurs de projets, et notamment aux bibliothèques, de « montrer et de développer les usages » et de « s’emparer de la question de l’inclusion numérique, qu’elle soit culturelle ou administrative. »
L’inclusion sociale est-elle favorisée ?
Même si l’on considère que le numérique élargit l’accès à des horizons culturels, il n’en reste pas moins « une tension éventuelle entre le numérique et la culture, a pointé Vincent Petitjean, élu au numérique et au télétravail à Thiers (Puy-de-Dôme). Oui, le numérique permet de découvrir de la culture, mais si on reste chez soi derrière son écran, on devient de fait un consommateur de produits culturels. Or pour notre collectivité, la culture signifie se rassembler et s’émanciper. »
Prudence donc de la ville de Thiers, qui, dans sa future nouvelle médiathèque, compte développer des ateliers… sur la sobriété numérique ou les communs.
Une approche à laquelle Malika Seguineau ne peut que souscrire : « dans spectacle vivant, il y a ‘vivant’. Jusqu’à présent, notre secteur était préservé de l’avancée du numérique. Mais la crise du covid a accéléré les choses. Ces tendances doivent être prises en compte, pour faire en sorte que le virtuel ne remplace jamais le réel, mais en soit un complément. » Un message clair aux gestionnaires de salles de spectacle et organisateurs d’événements culturels. Mais un horizon encore en jachère.
Le projet implique-t-il un nouveau management des agents ?
« La simple appellation de ‘bibliothèque numérique’ m’a longtemps fait peur », a confié Isabelle Lavest, vice-présidente de Clermont Auvergne Métropole, en charge de la politique culturelle, qui se dit aujourd’hui « convaincue ». Beaucoup d’agents passent aussi par...
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