Équipement mobile capable d’aller au plus près des publics, le chapiteau fait l’objet d’un intérêt toujours plus grand, de la part des artistes et du ministère de la Culture.
Et si le chapiteau était un outil d’avenir ? Tel est le pari qui était au cœur de la table-ronde organisée le 7 novembre par le ministère de la Culture à l’Espace cirque d’Antony. Un pari audacieux, sans doute, mais qui repose également sur un constat réaliste : le cirque contemporain, qui a connu un essor formidable (aujourd’hui, un quart des adhérents du syndicat des cirques et compagnies de création exploite un chapiteau), ne s’est-il pas d’autant mieux affirmé depuis qu’il mobilise cet outil incomparable ?
Outil de proximité par excellence, le chapiteau, qui a replacé la création artistique au cœur de la performance acrobatique, permet, c’est un fait, de toucher tous les territoires et tous les publics – notamment ceux qui sont éloignés de l’offre culturelle – avec une efficacité sans pareille. A telle enseigne que la diffusion sous ces architectures de toile est devenue, comme l’affirme Sophie Zeller, déléguée théâtre et arts associés à la direction générale à la création artistique du ministère de la Culture, « un critère de maximisation de l’aide qu’on peut apporter à une compagnie. Que le cirque contemporain privilégie le chapiteau et que son usage se pérennise, c’est pour nous, à l’évidence, très important. » Compte-rendu.
Le chapiteau, la création, l’itinérance et la vie
Marc Jeancourt, directeur de L'Azimut - Pôle National Cirque, hôte de la table ronde, s'est exprimé en tant qu' « opérateur sédentaire », qui reçoit toute l’année des chapiteaux itinérants sur le bassin de vie d’Antony et Châtenay-Malabry, tout en montant une programmation de spectacle vivant dans deux salles « en dur ». Pour lui, augmenter la diffusion auprès des publics passe par l’entrelacement de la programmation : cirque sous chapiteau, théâtre, marionnettes, danse, « jeune public ». « Notre travail, au pôle cirque, est de « muscler » les écritures pour le cirque et d’organiser la rencontre entre l’outil populaire par nature qu’est le chapiteau et les enjeux de la création contemporaine. »
Pauline Bardoux, artiste circassienne, acrobate aérienne et directrice artistique de l’Envolée Cirque, et Maël Tortel, artiste circassien, fondateur et coordinateur du cirque Pardi !, apportaient les réflexions et les attentes des compagnies itinérantes. Pour eux, le chapiteau est un mode de vie. L’outil demande de bien connaître divers corps de métiers, car c’est une salle de spectacle toute entière qui se déplace. On s’y entraîne, on y répète, on y produit, on y crée, on y reçoit les associations, les collectivités, tous les publics, et pas seulement pour des spectacles. On loge à proximité, et on y mène une vie de famille !
Mais le plus important, à l’évidence, c’est que le chapiteau est fait pour la création. « Il donne cette liberté d’imaginer n’importe quelle scénographie, dans n’importe quelle forme artistique, dans une disposition circulaire ou frontale, avec ou sans gradins », souligne Pauline Bardoux. Quant à l’accessibilité, on ne peut rêver mieux : « Nous sommes accueillis par des gens, chez eux, dans leur ville, leur pays. En retour, nous les accueillons sous notre chapiteau. »
Vers une économie mixte du cirque itinérant ?
On abordait ensuite une question plus technique : comment améliorer la diffusion du cirque contemporain ? Le nombre de représentations données est souvent bien inférieur à ce qu’il devrait être, compte tenu du bassin de population où le cirque s’installe. Pour Maël Tortel, l’usage pourtant nécessaire et bienvenu du contrat de cession, qui fixe à la fois une rémunération forfaitaire et un nombre limité de représentations, empêche de profiter du bouche-à-oreille généré par le succès, faute de jouer quelques jours de plus !
L’intérêt du contrat de cession est certes indiscutable, car il permet de sanctuariser la prise de risque artistique, et il n’est pas question de revenir sur une politique de l’offre qui fait ses preuves depuis longtemps. Il s’agit seulement, comme le propose Maël Tortel, d’ouvrir une porte à l’autoproduction pour trouver « un mixte intéressant. »
Sophie Zeller, déléguée au Théâtre et aux arts associés au ministère de la Culture, a souligné ici l’intérêt du ministère : « Cette hybridation des modèles de diffusion, dès lors que ça ne met pas en danger l’écosystème favorable à la création, peut aller dans le bon sens. Nous défendons en effet les séries de représentations les plus longues possibles, car elles laissent le temps aux personnes qui ne sont pas des spectateurs avertis et réguliers d’entendre parler d’un spectacle et de se décider à y assister. »
Pour Maël Tortel, il est temps d’élever les compagnies itinérantes au rang de partenaires à part entière. « Nous apportons nos propres compétences, acquises par l’itinérance, aux pôles nationaux, aux salles et aux collectivités. Notre arrivée réactive tout un ensemble de contacts, « une araignée de partenariats », pour ainsi dire, qui génère un grand nombre d’activités et de rencontres sous le chapiteau. Nous sommes de passage, c’est une position magique, qui revivifie les échanges et les initiatives locales. »
Le chapiteau est-il écologique ?
Autre grande question. Ici, le chapiteau se présente aussitôt comme une passoire thermique, désastre écologique, été comme hiver. Or, à y regarder de plus près, on en est loin.
« Nous avons commencé, au ministère de la Culture, à réaliser des bilans carbone par type d’équipement, explique Sophie Zeller. Nous savons déjà que si on compare l’intégralité du processus de fabrication d’un chapiteau avec celui d’un théâtre, leurs bilans carbone respectifs sont sans commune mesure. Nous savons aussi que si l’on chauffe ou climatise un chapiteau, cela coûte cher en effet, mais c’est pour une très courte durée. De plus, le chapiteau se déplace plus que son public, qui habite à proximité. Or, 60% du bilan carbone d’un théâtre, en moyenne, vient du déplacement du public. En revanche, la question de la vétusté du matériel roulant devra être posée.
« Par ailleurs, nous soutenons des projets de recherche, comme par exemple celui du Centre des arts en mouvement d’Aix-en-Provence, qui modélise des solutions techniques pour produire des outils itinérants légers mieux isolés. »
On évoque aussi la...
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