Trente maisons d’opéra, et seulement quatre femmes à en diriger une. Pourquoi un tel archaïsme dans un monde qui a pourtant su évoluer ? Enquête.
Ras le bol ! Les dirigeants des maisons d’opéra n’en peuvent plus qu’on leur renvoie toujours les mêmes clichés sur l’art lyrique. Ce loisir d’un autre âge qui ne serait destiné qu’à une élite de centre-ville, bourgeoise, blanche, fortunée et vieillissante. Vision datée qui ne correspondrait plus à un secteur ayant opéré sa mue sans bruit depuis une quinzaine d’années. C’est vrai pour l’essentiel. Les maisons d’opéra se sont ouvertes à la société, ont renouvelé leur public, l’ont rajeuni, tentent parfois des créations audacieuses comme Les Ailes du désir, d’Othman Louati, réinvention assumée et réussie du film de Wim Wenders ; ou cet oratorio de Haydn, La Création, monté par l’Opéra national de Lorraine et présenté à la fois sur scène et dans le métavers. On peut bien sûr objecter qu’il reste encore du chemin à faire pour que l’opéra devienne un art réellement populaire, que la diversité y est encore peu présente sur scène comme dans les salles et le répertoire trop figé, avec des prises de risque trop rares. Impossible pour autant de nier son évolution.
Raison de plus pour en finir avec un archaïsme qui, pour le coup, a la peau dure : l’incroyable difficulté pour les femmes à se voir confier la direction des maisons d’opéra. Elles sont trois à en diriger une, alors qu’on en compte trente dans l’Hexagone, auxquelles on peut ajouter deux festivals qui produisent également leurs spectacles : les Chorégies d’Orange et le Festival d’Aix-en-Provence. Un trio composé de Caroline Sonrier (Lille), Valérie Chevalier (Montpellier) et Claire Roserot de Melin, qui partage la direction du Capitole (Toulouse) avec Christophe Ghristi. Dans deux jours, elles seront rejointes par Eve Coquart, qui prend la tête du Clermont Auvergne Opéra le 1er mars. Elles n’auront alors jamais été si nombreuses, mais on est encore loin de la parité…
On reste même dans le secteur de la culture où les femmes sont les moins nombreuses en pourcentage à accéder à la responsabilité la plus élevée. Il n’y a pas si longtemps encore, il en allait de même pour les cheffes d’orchestre. Voir une femme au pupitre pouvait constituer une surprise, ça ne l’est plus grâce à une politique volontariste. Et, même s’il reste encore du chemin pour arriver à la parité, un cap a été franchi. Les cheffes sont désormais considérées, reconnues pour leur talent et n’ont plus à s’excuser d’être là. Il n’en va pas de même à la direction des Opéras.
Comment s’attaquer au plafond de verre ?
« Et pourtant les compétences sont là », revendique à juste titre la directrice de l’Opéra de Lille, Caroline Sonrier. Dans les maisons d’opéra, les postes à responsabilité sont souvent occupés par des femmes : directrice adjointe, directrice administrative et financière, directrice de production, directrice de casting, secrétaire générale… Plusieurs comités de direction sont d’ailleurs paritaires : à l’Opéra de Paris ou celui de Rouen Normandie par exemple. Alors pourquoi ce plafond de verre ?
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