Alors que plusieurs festivals ont d'ores et déjà jeté l'éponge, d'autres se mobilisent pour réinventer leur événement en version assise, après les annonces de Bachelot.
Peut-on concilier l’esprit d’un festival avec des spectateurs assis? Alors que ce jeudi 18 février, le Syndicat des musiques actuelles a annoncé que les festivals d’été ne pourront se tenir qu’avec un limite de 5000 personneset une configuration assise, nombreux sont les organisateurs de festivals à se demander s’ils parviendront, ou non, à maintenir leur promesse festive de l’été.
Rien n’est moins sûr. Plusieurs festivals ont d’ores et déjà jeté l’éponge, comme celui de Solidays, qui a réuni 228.000 personnes en 2019, ou l’édition 2021 du Hellfest (musique métal). Quant au festival de rock des Eurockéennes, il n’est pas annulé pour le moment, mais son patron Jean-Paul Roland a déjà émis des réserves.
“5000 personnes, assises, et avec distanciation, ça veut dire qu’il faut des gradins de 10.000 places”, a-t-il pointé, rappelant que le sondage mené auprès des festivaliers de We Love Green avait montré que 85% des sondés ne viendraient pas en version assise. “On va avoir beaucoup d’annulations”, s’est également inquiété jeudi Tommy Vaudecrane, président de Technopol, l’association de défense des musiques électroniques, à l’issue de l’entrevue avec le ministère de la Culture.
D’autres festivals, en revanche, ont annoncé maintenir leur événement, en transformant leur offre, à l’instar du festival des Vieilles Charues, à Carhaix, qui sera étalé sur dix jours. Ces différentes réactions aux contraintes dictées par Roselyne Bachelot révèlent, en toile de fond, la diversité de l’offre festivalière en France. Car, comme l’a expliqué Roselyne Bachelot, “il y a festival et festival”, des petits événements avec quelques centaines ou quelques milliers de spectateurs jusqu’à la douzaine de colosses qui drainent habituellement plus de 150.000 fans.
“Difficile de faire du festif en étant assis”
“Il revient à chaque organisateur de prendre la décision la moins mauvaise, explique au HuffPost Aurélie Hannedouche, déléguée générale du Syndicat des musiques actuelles (SMA). Pour certains organisateurs, le maintien des événements avec des contraintes strictes est plus facile que pour d’autres. Il faut raisonner en termes d’esthétique et d’univers: pour les festivals de musique électronique ou de métal, qui reposent beaucoup sur la danse, la fête, la sueur, cela n’a pas de sens de maintenir l’événement. Tandis que pour d’autres, la contrainte assise est moins dérangeante.”
Un avis partagé par Béatrice Desgranges, fondatrice et directrice du festival Marsatac (35.000 festivaliers en 2018), consacré à la musique hip-hop internationale et à l’électronique. Un événement qui se tient annuellement à Marseille, en septembre depuis 1999. “Les esthétiques de Marsatac figurent parmi celles qui sont le plus impactées par les contraintes sanitaires de cet été. Nous, notre promesse est festive. Difficile de faire du festif en étant assis”, déplore-t-elle au HuffPost. Si Béatrice Desgranges a décidé de maintenir l’événement, elle concède toutefois que la route sera “longue et difficile”: “L’ambiance de proximité, le lâcher-prise que le public trouve dans notre offre risque d’en prendre un coup”.
Reste encore l’offre artistique, à laquelle la directrice de Marsatac s’accroche. “La programmation et les artistes ne vont pas disparaître, note-t-elle, un brin optimiste. “L’objectif est de concilier la promesse artistique avec les exigences sanitaires pour conserver l’esprit. Pas question, en tout cas, d’abandonner: “Nous nous devons d’être là pour notre public”, martèle-t-elle.
Comme elle, d’autres organisateurs de festivals souhaitent proposer une offre réinventée, dans l’esprit de leur événement. À l’instar de Stéphane Krasniewski, directeur du festival Les Suds, - figure de proue des musiques du monde (pop, rock, musique classique, jazz..) - qui se déroule chaque été de 10h à 4h du matin pendant 7 jours et 6 nuits à Arles (Provence). “Nous ne sommes pas impactés par la jauge de 5000 spectateurs maximum, se réjouit-il auprès du HuffPost, parce que nous avons des scènes différentes où le public se croise. Cette année, toutes les scènes seront assises, mais l’offre artistique sera inchangée”.
“Un des rares festivals à pouvoir s’adapter aussi facilement”
Selon lui, l’édition 2021 du festival Les Suds n’en sera un qu’à condition que des “espaces de partage comme des buvettes” soient autorisés. Pour l’heure, un flou entoure encore les réponses gouvernementales, notamment sur la possibilité de tenir un bar ou sur le type de distanciation. “Même assis, notre festival gardera son esprit, à condition que les spectateurs puissent se croiser et discuter dans des lieux prévus pour cela. Il y a assis et assis”, se console Stéphane Krasniewski.
Pour certains festivals, l’adaptation au nouveau format 2021 sera même relativement aisée. C’est le cas du Festival de Poupet, à Saint-Malo du Bois qui draine environ 30.0000 spectateurs chaque été et propose de la musique populaire. Première particularité de ce festival: les concerts sont étalés sur une période de trois semaines. Pour chaque soirée, le public est donc moins nombreux que pour d’autres festivals. Par ailleurs, la musique proposée peut être écoutée assise, comme l’a expliqué Thomas Maindron programmateur du Festival de Poupet, contacté par Le HuffPost: “Nous sommes un des rares festivals à pouvoir s’adapter aussi facilement. La musique populaire peut être consommée assis, en plein air. Nous allons perdre une partie de notre ADN, bien entendu, et la saison ressemblera davantage à des concerts qu’à un festival, mais l’adaptation est facile, nous sommes chanceux.”
Enfin, au-delà de l’esthétique, la taille joue également un rôle clé dans la capacité d’adaptation des festivals d’été. “Il ne faut pas raisonner qu’en termes de taille, rappelle Aurélie Hannedouche, mais la transformation sera moins rude pour certains petits événements”.
Des dires confirmés par Raph Dumas, producteur dans les Pyrénées-Orientales et créateur de Festival 20/20 qui accueille de 3000 à 3500 spectateurs par jour. L’an dernier déjà, Raph Dumas avait transformé son festival en l’axant sur le local. Pendant 32 jours, une petite équipe s’est rendue quotidiennement dans un endroit singulier du département pour y rencontrer des personnalités, des musiciens et des artistes locaux. “Nous ferons quelque chose d’assez similaire cette année, avec un public assis”, a expliqué Raph Dumas au HuffPost. Nous jouons la carte de la flexibilité, mais nous savons que notre petite taille est un atout majeur. Nos artistes sont locaux et non internationaux, d’une part. Et par ailleurs, plus on est petit, plus il est facile de s’adapter”. Et de se réjouir: “Si on estime qu’un festival consiste à...
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