A tous les niveaux, du casting au tournage, des producteurs aux techniciens, le milieu du cinéma français multiplie les dispositifs pour protéger les jeunes acteurs sur les plateaux. Revue de détail.
Alors que le 3 novembre 2019, l’actrice Adèle Haenel accusait, dans Mediapart, le réalisateur Christophe Ruggia d’« attouchements » et de « harcèlement sexuel » lorsqu’elle était âgée de 12 à 15 ans, sur le tournage des Diables (2002), une question agitait les esprits : pourquoi aucun membre de l’équipe – une soixantaine de personnes environ – n’était-il intervenu ?
« A la suite de ces révélations, nous avons organisé une réunion avec une vingtaine d’associations professionnelles du cinéma sur le harcèlement, explique Nathalie Chéron, directrice de casting et présidente de l’Association des responsables de distribution artistique. Lors de cette soirée, Didier Carton, missionné par le comité central d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail [CHSCT] de la production de films, nous a assuré que les producteurs pouvaient être poursuivis pénalement s’ils ne prenaient pas des mesures en cas de harcèlement. Il faut donc expliquer aux producteurs qu’ils sont responsables et risquent la prison s’ils ne font rien ! »
Si cette question est aujourd’hui prise au sérieux – placé en garde de vue le 14 janvier, Christophe Ruggia a été mis en examen le 16 pour « agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur la victime » – qu’en est-il exactement de l’encadrement des mineurs sur les tournages, en France ?
« Pas d’enquête de moralité »
Tout commence par le montage d’un épais dossier, à l’intention de la direction départementale de la cohésion sociale de Paris (ex-DDASS, DDCS depuis 2010).
Avant d’engager un mineur de moins de 16 ans, les productions se doivent de fournir un synopsis, un scénario où les parties concernant les enfants sont surlignées, une autorisation signée par les deux parents, un livret de famille, un livret de scolarité et un certificat médical. « Mais on ne fait pas d’enquête de moralité auprès des boîtes de production, le dispositif est suffisamment protecteur », assure Frank Plouviez, directeur de la DDCS de Paris qui instruit 10 000 dossiers d’enfants-artistes par an (figurants compris), soit 80 % du chiffre national.
Le dossier passe ensuite devant la Commission des enfants du spectacle, présidée par le président du tribunal pour enfants, qui réunit une fois par mois des représentants du ministère de la culture, du rectorat de Paris et de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, ainsi que la DDCS. Ensemble, ils décident quels jeunes peuvent bénéficier d’une dérogation qui leur permettra de travailler.
En cas de refus, le réalisateur doit porter son choix sur un autre acteur, également...
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