Dans la campagne électorale, aucun parti n'aborde la question des politiques culturelles. Seuls quelques documents programmatiques évoquent succinctement tel ou tel secteur. Une absence qui n'est pas le fruit du hasard. Explications.
S’il y a une zone blanche en matière de culture, c’est bel et bien dans la campagne des législatives 2024. Jusqu’à présent, le sujet n’existe ni dans les discours, ni dans les interventions et débats audiovisuels.
Rapidité de la campagne électorale
Pourtant, compte tenu de l’intensité de la crise politique et sociétale que traverse actuellement le pays, on aurait pu s’attendre à ce que les chefs de partis plaident pour quelques mesures fortes en matière de démocratie et démocratisation culturelles. Ou du moins délèguent ce volet de politique publique à des candidats connaisseurs du sujet.
Certes, la faible exposition de la culture dans les campagnes électorales n’a rien de nouveau. « Elle remonte au moins à une vingtaine d’années, se remémore Philippe Teillet, maître de conférences en sciences politiques à l’IEP de Grenoble et spécialiste des politiques culturelles. Mais, en 2022, nous disposions, malgré tout, d’éléments de programme. Cette fois-ci, la rapidité de la campagne rend difficile l’élaboration d’un programme sur la culture. »
« Depuis le début du 21ème siècle, il y a une désaffection générale des partis politiques pour les arts et la culture. Ils n’affichent pas de programme ou de conception générale du rôle d’un gouvernement pour le développement de la culture », constate Guy Saez, spécialiste des politiques culturelles et ancien directeur de recherche au laboratoire de sciences sociales PACTE de l’université Grenoble-Alpes.
Les politiques mal à l’aise face à la culture
Paradoxalement, l’absence de la culture dans les débats est criante à un moment où s’observe une tendance à sa repolitisation (au sens de plus grand investissement des élus dans la prise de décision), après une longue période où ils s’en remettaient aux professionnels, connaisseurs des rouages et des codes du secteur. « Pendant des années, les questions culturelles ont été dépolitisées : les élus, peu à l’aise avec le sujet, y voyaient un secteur très professionnalisé et un peu à part », explique Philippe Teillet.
Mais le paradoxe n’est qu’apparent : en campagne électorale, politiser les questions de politique culturelle peut risquer d’en faire un sujet conflictuel. « On voit bien que les politiques ne répondent pas aux nombreuses interpellations des organisations professionnelles, car ils savent que cela suppose d’en avoir les moyens budgétaires », poursuit Philippe Teillet.
L’embarras des politiques face aux questions culturelles vient aussi d’un manque de compétences. « Les partis ne travaillent pas sur le sujet de la culture, pointe Guy Saez. On n’y trouve pas de groupes de travail spécifiques pour approfondir ce domaine, entretenir des relations avec les milieux culturels, et articuler leurs fondamentaux politico-idéologiques avec ce qui serait un programme culturel. »
De plus, poursuit Guy Saez, « les partis manquent aujourd’hui de médiateurs avec le monde de la culture, rôle qu’a joué Jack Lang dans les années 1980. » L’ancien ministre de la Culture de François Mitterrand a en quelque sorte « apprivoisé les maires des grandes villes, en les incitant à ne pas avoir peur de ce domaine et à se former, et, surtout, en leur donnant des outils puissants pour développer une politique culturelle. »
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