Comme tous les Opéras, celui de Strasbourg, Mulhouse et Colmar connaît une baisse de ses subventions. Alain Perroux en détaille les effets délétères sur la création, et appelle les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités.
L'Opéra national du Rhin est sans doute l’un des mieux armés pour résister au vent mauvais qui souffle sur l’art lyrique. Sa singularité est d’être géré par un syndicat intercommunal regroupant les villes de Strasbourg, Mulhouse et Colmar. Chacune dispose d’équipes artistiques : l’Opéra à Strasbourg, le Ballet à Mulhouse et l’Opéra Studio, une structure d’insertion professionnelle, à Colmar. Les trois villes accueillent la programmation de l’opéra et du ballet et mettent en commun des moyens financiers indexés à leur taille. Un exemple de mutualisation intelligente. Strasbourg ne porte pas seule le coût d’un Opéra national ; les villes de Mulhouse et Colmar n’auraient pas les moyens d’avoir un Opéra avec ce niveau de qualité ; les productions ont une vie plus longue avec davantage de représentations qui touchent un public plus nombreux.
Un atout précieux qui lui a permis de développer une programmation ambitieuse, mais ne l’a pas empêché d’être impacté par la crise qui touche tous les Opéras. En 2023, l’Opéra du Rhin a perdu 300 000 euros de subvention et connu l’effet ciseau dû à l’inflation des matières premières. Son directeur général, Alain Perroux, qui prendra en juillet 2026 les rênes d’une institution suisse, le Grand Théâtre de Genève, détaille ici les mesures drastiques qu’il lui a fallu prendre et ses effets sur la production artistique. Il explique aussi pourquoi tous les Opéras, y compris les plus solides, sont mortels si on continue de les laisser dans une situation financière aussi délétère.
Quelle est votre situation en ce début d’année 2024 ?
Nous retrouvons progressivement la maîtrise de notre budget au prix d’une gestion serrée et d’une réduction d’activité rendue inéluctable par la diminution progressive de nos ressources. Sur une saison nous donnons aujourd’hui six titres à gros budget et deux titres à moyens plus resserrés (des opéras de chambre) alors qu’il y a quelques années, nous en donnions neuf, parfois dix. Cette baisse n’est pas sans conséquence. Moins de productions, c’est moins d’emplois artistiques, moins de représentations, et donc moins de places à vendre alors que le public est revenu plus nombreux encore qu’avant le Covid.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Nous allons nous efforcer de réduire encore nos dépenses, mais à un moment donné, on ne pourra plus le faire sans couper radicalement dans nos propositions artistiques. Les collectivités locales et l’État nous ont fait comprendre qu’il ne fallait pas compter sur des augmentations substantielles de leurs subventions, mais il y a tout de même une petite ouverture du côté de l’État et de certaines collectivités, dont la Région, qui nous accompagnent dans notre effort de production et de diffusion auprès du public régional.
En tout cas nous ne pourrons pas résoudre cette crise sans les partenaires publics. À un moment, il y aura une vraie décision politique à prendre : veut-on oui ou non continuer à disposer d’un réseau de théâtres lyriques en France qui proposent des productions de qualité ? Certains considèrent que les opéras coûtent trop cher et que l’argent serait mieux investi ailleurs, mais alors il faut être clair. Depuis quinze ans, nous optimisons nos coûts. Cette fois encore, nous avons passé le cap, mais on ne pourra plus continuer longtemps.
De quelles manières allez-vous réduire encore vos dépenses ?
En continuant d’utiliser tous les moyens à notre disposition. Nous cadrons plus fortement que jamais les enveloppes dédiées aux décors, aux costumes et aux accessoires.
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