Contrairement aux craintes de l’équipe artistique de « Mère », nouvelle création de Wajdi Mouawad sur une musique de Bertrand Cantat, les militants féministes, présents devant le Théâtre National de la Colline vendredi soir, n’ont pas interrompu le bon déroulé de la pièce.
Il y a sans doute des œuvres plus sacrées que d’autres pour leur auteur. Dans Mère, Wajdi Mouawad dresse le portrait tragicomique de sa mère, saisie juste avant qu’elle ne meure à 55 ans, durant ces quelques années qu’elle passa en exil à Paris, avec ses deux enfants, loin de son mari qui survivait sous les premières bombes de l’interminable guerre civile libanaise, au virage des années 1970-1980. Sur le plateau, Wajdi Mouawad en personne, dans son propre rôle, à 53 ans (l’âge exact de sa mère au début de la guerre), mais aussi Wajdi petit garçon (joué par quatre enfants, en alternance), mais aussi Christine Ockrent pour la première fois sur les planches et dans son propre rôle - celui d’ex-présentatrice du journal du soir de feue Antenne 2 - et enfin les actrices libanaises Odette Makhlouf dans le rôle de la sœur et Aïda Sabra dans le rôle de la mère.
Pas Bachelot mais un fan de Cantat
Il y a des œuvres plus sacrées que d’autres sans doute et Wajdi Mouawad avait néanmoins exposé celle-ci à un risque, en commandant la musique de sa nouvelle création à Bertrand Cantat, son collaborateur de longue date. Pour l’équipe du spectacle, c’est donc «un soulagement» : tous redoutaient que des militants féministes n’aient acheté des places en nombre pour perturber la «première» vendredi soir à la Colline, le théâtre national que Wajdi Mouawad dirige. La représentation s’est finalement déroulée sans interruption, démarrant simplement avec une grosse demi-heure de retard en raison de la manifestation préliminaire dehors et s’achevant sur un une standing ovation offerte par un public de jeunes, de vieux, de journalistes et de politiques : Sophie Zeller et Sylviane Tarsot-Gillery, de la direction générale de la création artistique - la tutelle directe de la Colline, un des six théâtres nationaux- étaient dans les rangs. Mais pas Roselyne Bachelot, laquelle avait rappelé, fin octobre, sur France Inter, que Mouawad avait tous les droits, bien sûr, de collaborer avec Bertrand Cantat - ce dernier ayant purgé la peine à laquelle il fut condamné pour le meurtre de Marie Trintignant - mais qu’elle avait, elle, le droit de regretter qu’il le fasse. La liberté et la morale (vous avez deux heures).
Vers 20 heures, les militants avaient cadenassé les portes d’entrée du théâtre pour empêcher les spectateurs d’y pénétrer. Le public est néanmoins passé au compte-gouttes par une porte alternative ouverte par le service de sécurité gonflé pour l’occasion. Pendant ce temps, sur le parvis, un homme seul, guitare en main, s’époumonait, chantant sa haine des «tribunaux populaires», des «merdias» et des «féministes qui confondent tout». Un fan de Bertrand Cantat. Il entendait visiblement étouffer les slogans bruyamment scandés à côté. En vain : c’est devant la vingtaine de militantes et militants féministes que s’attroupaient passants et spectateurs, curieux d’entendre les ...
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