De nombreux festivals œuvrent depuis plusieurs années à réduire leurs conséquences néfastes pour l’environnement. Une charte pour le développement durable vient d'être présentée par le ministère de la Culture. Elle doit permettre d'accompagner les festivals vers cette transition.
Transport des festivaliers et des artistes, logistique, déchets. L'empreinte carbone des grands rendez-vous musicaux pose encore question. À l'occasion des troisièmes États généraux des festivals, à Toulouse cette semaine, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot vient de présenter une charte sur le développement durable. Un nouveau cadre, monnayable mais sans contraintes, pour des manifestations souvent déjà en transition écologique.
Un nouveau texte officiel d'encouragement
En développant une charte avec des professionnels du secteur, le ministère de la Culture espère apporter un cadre pour multiplier des festivals plus "verts". Une charte "d’encouragement" donc qui n’a pas d’obligation stricte mais dont la signature et le respect permettront de bénéficier du soutien financier du ministère de la Culture. Les premières signatures de cette charte sont prévues mi-décembre.
Le texte s’appuie sur des documents existants et les actions mises en place jusqu’à présent et fixe dix objectifs, après la réalisation d’un diagnostic environnemental afin de pointer les actions prioritaires à mener.
Le premier objectif concerne la mobilité. Le texte incite aussi les festivals à réduire leurs dépenses d’énergie, à mettre en place une alimentation et une gestion des déchets responsables ainsi qu'à sensibiliser l’ensemble des participants à l’éco-responsabilité. Toutes ces mesures sont déjà présentes dans plusieurs festivals. "Dès 2018, nous avons observé une bascule et une généralisation de la prise en compte du développement durable", commente Maryline Lair, directrice du Collectif des festivals en Bretagne et qui accompagne les festivals bretons dans leurs initiatives pour l’environnement. Quelque 600 ou 700 festivals qui ont répondu à une enquête menée par le collectif disent ainsi avoir mis en place des actions courantes en faveur de l’environnement, comme la gestion des déchets. Un plus petit nombre dit avoir lancé des mesures pour la transition énergétique, généralement mises en place dans un deuxième temps.
Les transports, le plus polluant dans un festival
"Ce qui émet le plus de CO2 dans un festival, ce sont les transports, à 70-75%", constate Jean-Paul Roland, le directeur des Eurockéennes de Belfort. Pour limiter son bilan carbone, le festival a initié une desserte depuis la gare pour son public avec des bus électriques de la ville. Des accords ont aussi été conclus avec la région et la SNCF pour permettre aux festivaliers de bénéficier de tarifs préférentiels pour leurs billets de train. Le festival a également mené un travail avec le Conseil départemental pour que les pistes cyclables mènent jusqu’à la presqu’île du Malsaucy, où il s’installe chaque année durant quatre jours. En 2019, 5 000 vélos ont ainsi été utilisés pour se rendre sur place.
"Cette conscience ne doit pas s’arrêter aux portes de l’artistique. Combien de fois dans les années 1990, nous avons fait venir en jet privé un groupe qui jouait à 1 000 kilomètres de chez nous pour qu’il puisse être là dans l’après-midi ou le lendemain ? Aujourd’hui, quand une telle situation se produit, nous cherchons une autre solution, c’est-à-dire un autre groupe."
Jean-Paul Roland, directeur des Eurockéennes de Belfort
"4.000 vélos à surveiller en une soirée ! Le parking à vélo des #Eurocks2019 fait le plein, une action du centre social de Bavans baptisée "Unis Vers Selles", n'oubliez pas la lampe frontale pour rentrer ! .@eurockeennes .@hervecasteran .@francebleu .@BelfortOfficielpic.twitter.com/KkJFsLv1a9— France Bleu Belfort Montbéliard (@bleubelfort) July 5, 2019"
Le transport aérien est quasiment absent au festival Terres du Son qui a lieu depuis 2005 au domaine de Candé à Monts, au sud de Tours. Pour cela, le festival plébiscite les artistes français et surtout régionaux. "La programmation comprend 70% d’artistes régionaux, explique Pauline Ruby, la coordinatrice de Terres du Son. Cela fait partie des valeurs du festival de promouvoir des artistes régionaux et c’est aussi pour l’environnement car cela réduit les types de transport." Pour le transport des artistes, le festival privilégie les transports en commun, même si la coordinatrice reconnaît que "ce n’est pas toujours évident" et qu’il y a parfois "des tourbus (autocars de tournée, ndlr) et des véhicules". Pour les festivaliers, des navettes gratuites sont proposées au départ de Tours, situé à une quinzaine de kilomètres. Et pour les inciter un peu plus à venir à vélo, en plus du parking à vélo installé, un espace de réparation sera proposé pour l’édition 2022.
Une pollution variable selon le lieu de l'événement
Il existe une grande différence entre festivals, en termes d’impact carbone de déplacement du public, selon qu’ils se situent en zone urbaine ou rurale, d’après le Collectif des festivals qui accompagne les festivals bretons dans leur volonté de prendre en compte les enjeux sociétaux, environnementaux et sociaux. Un festival en ville sera accessible par transports en commun, il faudra compter sur la voiture à la campagne. L’emplacement où il se déroule est aussi important : un festival qui a lieu sur un terrain où il n'y aucune infrastructure nécessitera d’apporter toute la logistique : scène, électricité, eau, évacuation, et sera donc plus polluant. Sur la question des déchets, "le caractère éphémère a pu faire que les choix privilégiés étaient ceux du jetable pour plus de facilité, mais cela a beaucoup changé aujourd’hui", affirme Maryline Lair.
"@terresduson est désormais engagé dans le dispositif #DrasticOnPlastic qui vise à accompagner les festivals français vers le zéro plastique ! 👌 Un pas de plus vers un festival toujours plus durable et responsable. 🌱
Pour en savoir plus 👉 https://t.co/9mxoWXMKqgpic.twitter.com/RYv9dh4cRv— Terres du Son (@terresduson) January 13, 2021"
Le festival Terres du Son, qui se définit comme "éthique et responsable", est soucieux de l’environnement depuis sa création. "Cela fait partie des valeurs essentiels du festival, il n’aurait pas vu le jour sinon", affirme Pauline Ruby. Les premières mesures prises, dès 2005, ont été l’installation de toilettes sèches et l’utilisation de gobelets réutilisables. Depuis, le tri des déchets a été instauré, tout comme le ramassage des mégots (l’une des premières sources de déchets du festival), des gourdes sont utilisées par les artistes sur scène, des distributeurs et des fontaines à eau ont été déployés… Pour la prochaine édition, le festival entend être l’un des premiers événements majeurs en France 100% végétarien. Il s’est engagé en 2018 à privilégier les circuits courts et à utiliser 75% de produits locaux. Et pour 2023, le festival ambitionne de ne plus avoir aucune bouteille d’eau.
"À partir du moment où on réalise un événement, il y a un impact sur l’environnement. Dès le départ, nous avons œuvré pour que cet impact soit le plus faible possible. Cela reste notre leitmotiv. Nous essayons de réduire notre impact carbone d’année en année."
Pauline Ruby, coordinatrice du festival "Terres du Son"
Aux Eurockéennes aussi, l’utilisation de bouteilles d’eau en plastique a été fortement réduite, passant de 100 000 en 2015 à 15 000 en 2019, grâce à l’installation de fontaines à eau. Ici, le développement durable n’était pas l’essence même du festival à sa création en 1989. Même si, la direction dit avoir été sensible à la cause environnementale dès le début car l’événement se déroule sur la presqu’île du Malsaucy, un site en partie protégé car c’est une zone de nidification pour les oiseaux. "Assez rapidement, la question de la réduction des déchets s’est donc posée", se souvient Jean-Paul Roland. Des gobelets réutilisables avec consigne ont ainsi été très vite mis en place, une station de tri des déchets a vu le jour pour permettre un meilleur recyclage… Aujourd’hui, les images de "Woodstock et sa mer de déchets" ne sont plus ...
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