Plus de 400 signataires, soit près d’un quart des salariés de l’institution, réclament l’instauration d’une politique anti-discrimination interne efficace. Ils ont été entendus par Alexander Neef, le nouveau directeur de la maison.
Avant même de prendre les rênes de l’Opéra national de Paris, le 1er septembre, Alexander Neef avait déjà planché sur un sujet brûlant : celui de la discrimination raciale dans l’institution. « C’est un sujet qui me préoccupe, affirme Neef. A Toronto, nous avons mené cette réflexion et ce travail à la fois sur la représentation des artistes et les nouveaux publics. Dès le début du confinement, nous avons pensé, avec Martin Ajdari [directeur général adjoint de l’Opera national de Paris], à une mission sur la diversité au sein de l’Opéra national de Paris. »
Cette mission, officialisée le 22 septembre, et confiée à Constance Rivière, secrétaire générale du défenseur des droits, et Pap Ndiaye, professeur à Sciences Po, fait écho au manifeste intitulé De la question raciale à l’Opéra de Paris, rédigé par cinq danseurs, Guillaume Diop, Letizia Galloni, Jack Gasztowtt, Awa Joannais et Isaac Lopes Gomes, ainsi que Binkady-Emmanuel Hié, de l’AROP (Association pour le rayonnement de l’Opéra de Paris).
Lorsque l’affaire George Floyd éclate le 25 mai aux Etats-Unis, ravivant le mouvement Black Lives Matter, le groupe se réunit pour discuter sur le sujet. « Nous avions envie d’échanger sur la manière dont cela nous affectait, sur nos origines aussi et ce qu’elles représentaient pour nous, raconte Guillaume Diop, 20 ans. Ça se passe très bien à l’Opéra, mais il nous semblait que des ajustements étaient possibles et que nous devions prendre la parole en tant qu’artistes racisés sur ce que nous vivons. »
Coiffure, maquillage et « collant chair »
Dans la foulée, le manifeste, aux mots pesés, voit le jour. Il souligne que « l’Opéra comporte désormais dans ses rangs artistiques, techniques et administratifs des personnes de couleur. Néanmoins, les stigmates de la discrimination raciale sont encore présents dans la société française du XXIe siècle. L’Opéra de Paris, noble institution que nous servons avec passion, n’échappe pas à la règle : des pratiques problématiques persistent, certains discours discriminatoires pourraient être combattus avec davantage d’efficacité et nos puissances artistiques manquent encore de diversité. A travers le présent manifeste, nous avons souhaité faire sortir la question raciale du silence qui l’entoure au sein de l’Opéra de Paris ».
Le groupe prend rendez-vous avec Aurélie Dupont, directrice de la danse. Le 29 juin, ils se retrouvent dans son bureau pour en discuter. Un second rendez-vous est pris, le 15 juillet, en visioconférence, avec Alexander Neef, encore à Toronto. « Il a été réceptif à nos demandes et points de vue », poursuit Guillaume Diop.
Dès le 24 août, le texte est envoyé aux collègues coréens, japonais ou chinois. Les danseuses Saki Kuwabara et Hannah O’Neill, le danseur Chun-Wing Lam, les choristes Florent Mbia et Christian Rodrigue Moungoungou rejoignent l’équipe de départ. Ce sont ensuite 400 personnes sur les 1 895 salariés de l’Opéra national de Paris qui le signent. « Nous avions besoin de sentir le soutien des gens avec lesquels nous travaillons », commente Guillaume Diop.
Dans ce manifeste, différentes questions sont abordées : l’instauration d’une politique anti-discriminations interne efficace, le « black face » et le « yellow face » que l’on trouve dans des opéras comme...
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