Maître de conférences en sociologie à l'Université de Picardie Jules Verne, Fabrice Raffin estime que les politiques culturelles sont déconnectées des classes populaires. L'universitaire analyse les raisons pour lesquelles, en dépit d'une intention de démocratisation culturelle, elles imposent un modèle dominant qui conduit trop souvent à l'exclusion d'une grande partie de la population française.
Les politiques publiques du domaine de la culture en France sont fondées sur des principes généreux d’éducation et d’émancipation. Le problème, pour ceux qui – professionnels de la culture en tête – placent en elles de tels espoirs, est qu’elles produisent au bout du compte surtout des effets de domination et d’exclusion.
En effet, sous couvert de démocratisation, les professionnels de la culture et leurs publics attitrés définissent ensemble une culture institutionnelle qui est surtout la leur. Dans les faits, elle correspond fort peu aux désirs de la majorité des Français (seulement 3 % d’entre eux par exemple ont un abonnement dans une institution culturelle). Pourtant, loin d’être éloignés de la culture, ces publics fuyants ont bien en la matière des attentes et leurs propres pratiques, hors de ces institutions. Des publics qui ne les fréquentent pas déclarent inlassablement à leur endroit, au fil des enquêtes depuis les années 1990 : « Ce n’est pas pour nous ». Encore faut-il comprendre le fondement de ce rejet et sa traduction politique.
Démocratisation culturelle française " bourgeoise "
En premier lieu, la politique de démocratisation culturelle française est avant tout « bourgeoise », dans un sens très précis. Elle s’est en effet constituée à la fin du XVIIIe siècle, contre l’aristocratie (superficielle) et contre le peuple (vulgaire) sur une base que l’on pourrait qualifier d’« intellectualiste » au sens où elle valorise l’accès à la connaissance et à la « vérité » par les formes artistiques. Souvent par souci d’éduquer, la « véritable » qualité artistique se mesure encore aujourd’hui dans la capacité des œuvres à nous faire comprendre le monde et la condition humaine. Cette logique, portée principalement par le ministère de la Culture, valorise tantôt la contemplation des œuvres majeures de l’histoire de l’art, tantôt des formes contemporaines reconnues par les seuls professionnels de la culture.
Or, pour la majorité des français, les pratiques sont culturelles non parce qu’elles donnent accès à des œuvres socialement valorisées par une élite, mais parce qu’elles permettent une expérience hors du commun, faite d’émotion, de plaisir et de fête. Une conception qui valorise la participation durant les moments culturels, par la danse, le chant, les cris, la pratique. Très physique, cette expérience est…
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