Trente-huit directeurs et directrices de centres dramatiques nationaux se sont réunis à Avignon pour rédiger une “Charte de la parité”. Ils entendent ainsi lutter contre les inégalités encore flagrantes entre hommes et femmes, notamment dans la dotation des moyens de production.
Ce matin, dans les bureaux du cloître Saint-Louis, à Avignon, les trente-huit directeurs et directrices des centres dramatiques nationaux (ou presque) font connaître et reconnaître le travail qu’ils et elles mènent parfois discrètement, et plus officiellement depuis six mois, pour parvenir à l’égalité femmes-hommes dans leurs maisons de théâtre public. Le mouvement #MeTooThéâtre leur en a donné, en décembre dernier, l’impulsion. Dans la foulée, ils ont rédigé une « Charte de la parité dans les centres dramatiques nationaux ».
Cette fois, c’est la profession qui se donne des règles supplémentaires, et non plus la tutelle publique qui lui en fixe déjà beaucoup. Car même si la volonté fut affichée chez les ministres de la culture successifs – depuis Aurélie Filipetti (2012-2014) au moins –, les dernières statistiques consolidées par le Syndeac ne décollent pas dans toutes les catégories. Dans les centres dramatiques nationaux, la progression fut en effet importante en dix ans (de 12 à 46 % de directions féminines), mais plus aucun théâtre national n’est aujourd’hui dirigé par une femme.
“Les directrices de CDN ne gèrent que 41 000 000 euros de subventions quand nous, leurs homologues masculins, en gérons 79 000 000 euros, soit, à peu près, le double.” David Bobée
Le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres avait nommé en 2006 Muriel Mayette à la tête de la Comédie-Française « pour faire un coup », commente l’intéressée, aujourd’hui à la direction du centre dramatique de Nice. « Il faudrait que de telles nominations soient simplement normales. » 35 % des soixante-seize scènes nationales seulement sont dirigées par des femmes. Pire, la situation des centres chorégraphiques nationaux s’est aggravée ces dernières années : trois seulement sur dix-neuf sont dirigés par des femmes.
Prendre le mal à la racine
Alors, avec sa charte, l’Association des centres dramatiques nationaux (ACDN) espère servir de modèle à toute la profession du spectacle vivant. Ses principes sont clairs et simples pour prendre le mal à la racine de toute une chaîne de responsabilités. Les CDN s’y engagent en effet « à composer des programmes mettant à l’affiche au moins 50 % de spectacles écrits, mis en scène ou conçus par des femmes ». Mais, nerf de la vraie guerre, la dotation des moyens de production devra être répartie à égalité entre des compagnies ou collectifs dirigés par des femmes et des structures dirigées par des hommes.
Là est l’enjeu véritable. Comment faire ses preuves en effet et convaincre, quand, selon David Bobée, directeur du centre dramatique national de Lille – qui a pris sa calculette – « les directrices de CDN ne gèrent que 41 000 000 € de subventions quand nous, leurs homologues masculins, en gérons 79 000 000 €, soit, à peu près, le double ». Et, quand, par voie de conséquence, seulement 31 % de la jauge totale du public assiste à un spectacle porté par une femme. La marge de manœuvre est grande. Nathalie Garraud, qui codirige le CDN de Montpellier, précise qu’une saison entière est nécessaire pour absorber les reprogrammations liées à la crise sanitaire. Mais que, à partir de 2023, « sans être punitifs », tous observeront à l’aune d’une saison la répartition de la programmation, et, à la mesure des mandats ...
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