Des faits susceptibles de constituer des infractions pénales ont été transmis au procureur de la République, et une nouvelle enquête de la Cour des comptes sera diligentée en septembre.
Rarement la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteurs (OGC) et des droits voisins, placée auprès de la Cour des comptes, a dressé un constat aussi accablant. Dans son rapport annuel 2022, publié mardi 7 juin, elle étrille la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (Spedidam), présidée par François Nowak, qui collecte et redistribue les droits voisins, liés aux utilisations secondaires des interprétations enregistrées, sonores ou audiovisuelles (enregistrements diffusés dans des spectacles, disques sonorisant des films par exemple) de 38 691 musiciens, chanteurs, comédiens, DJ, artistes lyriques, circassiens ou danseurs.
A tel point que la commission a transmis au procureur de la République les faits susceptibles de constituer des infractions pénales au sein de la Spedidam. Une nouvelle enquête de cette commission sera d’ailleurs diligentée en septembre, afin de vérifier que les 35 recommandations formulées auront bien été appliquées. Si rien n’a évolué, bien que la Spedidam affirme avoir déjà engagé de nombreuses réformes, un processus de sanction sera mis en œuvre.
« Conflits d’intérêts »
Tout d’abord, « la gouvernance » de la Spedidam est « marquée par de nombreuses insuffisances » affirme le rapport, et « ne permet pas d’assurer un respect des principes de transparence et d’efficience que les associés sont en droit d’attendre de leur organisme de gestion collective ». Selon les auteurs, la possibilité donnée au président et à quelques cadres dirigeants, de bénéficier d’un nombre illimité de pouvoirs lors des assemblées générales, leur permet de contrôler la majorité des suffrages exprimés et de limiter, voire « d’empêcher l’expression de tout désaccord au sein du conseil d’administration ». Par ailleurs, les deux présidents qui se sont succédé « ont méconnu leurs propres déclarations en matière de conflit d’intérêts », déplore le rapport.
De plus, la Spedidam se révèle « défaillante dans l’accomplissement de ses deux principales missions » (répartir les droits et accorder des aides). Le rapport affirme que « les nombreuses insuffisances du processus et des outils utilisés pour effectuer la répartition des 56 millions d’euros qu’elle perçoit annuellement ne permettent pas d’assurer que les artistes-interprètes perçoivent régulièrement les droits qui leur sont dus ». La commission critique « l’incapacité de la Spedidam à conduire les réformes nécessaires » dans ce domaine. Le solde des comptes relatifs aux bénéficiaires sans adresse, bien trop élevé, est deux fois plus important qu’en 2010. Un retard considérable a été pris en informatique et la complexité des règles de répartition reste illisible pour les ayants droit, avec 51 enveloppes et sous-enveloppes différentes.
Par ailleurs, les décisions d’attributions d’aides au titre de l’action artistique et culturelle (19 millions d’euros en 2019 et 10 millions en 2020) manquent, là encore, de transparence et « ne servent pas suffisamment les intérêts des ayants droit, quand ils ne sont pas directement utilisés au profit de membres de l’équipe dirigeante ». Le rapport enfonce le clou : « Les nombreux conflits d’intérêts constatés portent atteinte au principe d’attribution de ces aides sur des critères équitables. » Il est précisé que « le président propose régulièrement des demandes de subventions directement en conseil d’administration sans passer par le processus prévu par la division culturelle. Ses demandes sont systématiquement acceptées ». Le président de la Spedidam était aussi vice-président jusqu’en 2019 d’au moins sept structures associatives ayant chacune en charge la gestion de l’un des festivals du réseau Spedidam, fonctions qu’il n’évoque pas dans ses déclarations d’intérêts.
La commission de contrôle a émis un nombre record de recommandations à la Spedidam : 35 pour réformer sa gestion en profondeur. Ce qui passe par la limitation du nombre de pouvoirs en assemblée général à cinq maximums, la création d’un conseil de déontologie composée de personnalités qualifiées extérieures, une simplification des règles de répartition ou la mise en place dès la prochaine assemblée générale prévue le 30 juin de procédures transparentes de désignation des artistes membres des commissions d’agrément des processus d’attribution des aides. Il est aussi demandé de présenter un bilan financier annuel de tous les dispositifs d’aides, de ne pas procéder à de nouvelles acquisitions immobilières, diminuer le niveau de trésorerie, ou même de justifier les notes de frais…
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