Se basant sur un groupe de travail lancé par Audiens Care Service, le professeur François Bricaire formule un éventail de recommandations pour la réouverture des lieux de spectacle et la reprise des tournages et des répétitions. Un rapport que s'est procuré Culturelink.
A quelles conditions les lieux de spectacles (théâtres, salles, cinémas…) pourront-ils rouvrir, les tournages et les répétitions pourront-ils redémarrer ? Quelle stratégie mettre en œuvre pour réussir le déconfinement du secteur culturel ? Quelles recommandations suivre pour remplir les objectifs sanitaires ? Voilà les questions auxquelles le Professeur François Bricaire s’emploie à répondre. Chef de service honoraire, ce membre de l’Académie de Médecine a rédigé un rapport de 32 pages pour Audiens Care Services, daté du 30 avril.
Ce document, que s'est procuré Culturelink, se veut un complément spécifique aux spectacles en plus des règles générales éditées par les autorités en matière de déconfinement. Le groupe, animé par Christian Béchon, directeur général d’Audiens Care Services, affirme avoir auditionné des dizaines de professionnels et organisations représentatives du secteur public et privé de la culture – spectacle vivant, musique, cinéma, audiovisuel, prestataires techniques – dans de nombreuses disciplines.
Rappelant que « les activités de spectacles constituent une activité vitale à la nation », François Bricaire a choisi de classer les recommandations en trois axes de travail :
« - Le premier, de loin le plus difficile, concerne les spectateurs. Par leur nombre, par le fait que selon l’intensité ou non du testing, par la promiscuité dans la salle et dans les lieux communs (toilettes, couloirs, buvette bar/comptoir, entrée, file d’attente...), ils forment l’essentiel du sujet.
- Ensuite, viennent les employés permanents et intermittents (artistes et techniciens notamment), moins nombreux mais dont les lieux de spectacle sont responsables en tant qu’employeur d'un point de vue sanitaire. Certains spectacles vivants supposent une grande proximité entre artistes, ce qui est une difficulté importante.
- Enfin, les lieux et salles elles-mêmes et le matériel de spectacle peuvent être un sujet comme, par exemple, les instruments à vent ou à corde dans un orchestre qu'il faudra désinfecter entre deux représentations ».
La mise en application des recommandations mentionnées dans le document s’annonce ardue, tant elles bouleversent les habitudes et impliquent des aménagements parfois contraignants. De plus, le professeur de médecine souligne que « les opérateurs des activités de spectacles, conscients de leurs responsabilités tant vis-à-vis de leurs publics que vis-à-vis de leurs salariés permanents et intermittents (artistes et techniciens) devraient s’engager à ne reprendre les spectacles que dans les bonnes conditions de sécurité sanitaire ». Il prévient : « Hors la mise en place de ces “bonnes pratiques du déconfinement”, ils devraient accepter de ne pas ouvrir ».
Trois axes sont fixés :
1. Protéger et informer le public
2. Organiser ses parcours pour lui permettre d’assister au spectacle
3. Aseptiser les lieux de spectacles et les matériels : ventilation et nettoyage
Et trois principes généraux sont posés :
1. Le maintien des gestes barrières adoptés aux salles de spectacles, éventuellement gradée selon le niveau de confinement et la disponibilité d’outils barrières (masques, tests...)
2. Une organisation des spectateurs pour prévenir les risques de contamination des personnes encore naïves
3. Un principe médical : le spectacle ne doit pas créer un risque de contamination supérieur à celui accepté par le niveau de confinement/déconfinement
En fonction du niveau de déconfinement, il est proposé une distanciation de 1,5m ou 1m, le port obligatoire ou recommandé du masque et le lavage obligatoire ou facultatif des mains à la solution hydroalcoolique à l’entrée de la salle de spectacles.
Concernant les lieux clos (salles de spectacles ou de concerts, théâtres, cinémas, chapiteaux…), le rapport propose – toujours selon le niveau de déconfinement – une distanciation de 1m au moins ou 2 sièges d’écart (ou un minimum de sièges) entre les spectateurs, le port obligatoire ou recommandé du masque, une aération après la séance et le nettoyage approfondi selon des règles précises, et la suppression des entractes.
D’autres recommandations sont formulées pour les lieux ouverts, dont le port obligatoire d’un masque pour tous les spectateurs, s’il s’agit d’une règle générale.
S’agissant des répétitions, il convient, selon François Bricaire, de « distancer les artistes grâce à une mise en scène adaptée ». Lorsque cette adaptation n’est pas possible, « des mesures supplémentaires devront être prises telles que la prise de température quotidienne et des tests sérologiques ».
Concernant les orchestres, « un sujet difficile » souligne François Bricaire, ce dernier recommande d’espacer les musiciens d’au moins 1 mètre et de « privilégier la séparation des musiciens à vent entre eux et par rapport à ceux à cordes qui peuvent porter des masques. Pour la protection autour du musicien à vent, mettre, si possible une ventilation à flux laminaire descendants pour plaquer au sol le plus rapidement les aérosols ou isoler les musiciens à vents derrière des panneaux. »
Appelant au « pragmatisme », François Bricaire insiste sur la nécessaire information du public (« la priorité est de donner confiance au public pour qu’il revienne au spectacle et il importe que ce public voit et comprenne les efforts faits ») et sur la formation des personnels.
Il conclut en rappelant qu’il convient de « faire que le spectacle ne soit que culture et plaisir ! » et indique : « La profession est appelée à s’emparer du dossier pour compléter le présent document qui sera communiqué aux personnes auditionnées et aux autorités compétentes. »
Télécharger le document en intégralité : https://bit.ly/2z9RHNe
Antoine Blondel