Dans une lettre ouverte à Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, publiée sur Twitter le 18 janvier 2021, l'équipe du Hellfest alerte sur le flou qui règne sur le sort du milieu culturel et plus particulièrement sur la tenue des festivals. Décryptage.
« Notre association à but non-lucratif qui gère le plus important budget de tous les festivals de musique actuelles en France (25 millions d'euros) est en danger. Le flou qui règne l'amène inexorablement vers une catastrophe économique que les centaines de milliers de fans du Hellfest, ainsi que des centaines de prestataires auront du mal à « digérer » si vous n'intervenez pas rapidement. » C'est un nouveau cri d'alarme de la part de l'équipe du festival. Le Hellfest, comme beaucoup d'autres, avait déjà dû annuler son édition 2020. Le plus grand festival de France, en terme de budget, voudrait des annonces rapides de la part du gouvernement afin de connaître son sort pour cette année. Les « On ira dans les festivals cet été », « on a du temps », « croisons les doigts » de la ministre ne sont plus suffisants.
Avec l'accueil de plus de 180 000 festivaliers sur trois jours, l'événement de musique extrême est un mastodonte du secteur. Entre la gestion des bénévoles, du public, des groupes ou encore des partenariats, son organisation s'amorce près d'un an auparavant. Dans cette lettre ouverte, l'équipe interpelle la ministre sur le flou dans lequel elle laisse les organisateurs. Il est en effet inenvisageable pour Benjamin Barbaud, le créateur et directeur du Hellfest, d'annoncer à ses équipes une annulation peu de temps avant la tenue du festival après des mois de travail acharné. Pour lui, si aucune annonce n'est faite à propos de la tenue des festivals de l'été d'ici à la fin mars, il se verra contraint d'annuler l'édition qui doit se tenir du 18 au 20 juin.
Malgré les incertitudes, l'équipe a décidé depuis janvier de mettre en route l'organisation de l'événement. Mais entre les salaires, les charges fixes et les remboursements d'emprunts, elle implique plus de 250 000€ de dépenses par mois. Ce qui est insoutenable dans un contexte incertain : « Quelle structure accepterait de dépenser de telles sommes sans avoir une garantie de résultat ? Sans avoir l'assurance que tout cet argent n'est pas jeté par les fenêtres ? » interrogent les auteurs de la missive.
Heureusement, le Hellfest jouit d'une base de fan très soudée et investie. Seulement 0,25% des participants ont demandé le remboursement de son billet de l'édition 2020, contre 25 à 40% pour les autres festivals français. Benjamin Barbaud a affirmé à Libération (21/01/2021) être certain « de la fidélité sans faille de son public ». Mais si tous les festivaliers demandaient un remboursement de leur billet, ce serait la banqueroute assurée pour le Hellfest. En effet, celui-ci ne fonctionne pas sur des fonds publics comme nombre de festivals. Il se finance grâce à ses recettes, la billetterie, les bars, restaurants, mécénats et partenariats privés. En fonctionnant à 100% depuis janvier, le festival se prive des aides existantes octroyées par le gouvernement. Mais pour les organisateurs : « nous n'avons pas d'autre choix si nous souhaitons pouvoir offrir à notre public le festival qu'il mérite. »
L'équipe interpelle également Roselyne Bachelot sur la décision gouvernementale de classer la culture dans la catégorie « non-essentiel » : « Tout comme vous, nous aspirons à retrouver une vie culturelle foisonnante. La France est une terre de festivals et vous avez pu vous rendre compte l'an passé combien nos événements sont ESSENTIELS au bien-être d'un nombre important de Français. Oui, les spectacles vivants sous toutes leurs formes sont essentiels ils ne sont pas de simples produits ! »
Si le festival refuse de se tenir sous forme « allégée » avec jauge réduite et concerts assis, les organisateurs se disent prêt à prendre des mesures sanitaires renforcées, voire à demander aux festivaliers un test Covid négatif avant leur entrée sur le site. Selon BFMTV, la ministre de la Culture pourrait être favorable à ce type de précaution. Mais l'équipe du Hellfest souligne : « Il nous semble que protéger ne se résume pas qu'à interdire », avant de dénoncer la lenteur du plan de vaccination : « « L'effectivité [du plan de vaccination] est de votre responsabilité, les acteurs de la Culture n'ont pas à souffrir des péripéties et des aléas logistiques. ».
Benjamin Barbaud confiait au Parisien (19/01/2021) : « ma grande crainte est que le gouvernement ait déjà statué sur notre sort mais n'ose pas nous le dire. » L'équipe pose alors la question à la ministre : « Avec une pression hospitalière moindre, combinée à une période estivale où l'on sait que ce virus est moins virulent, est-il concevable d'envisager la tenue de nos mégas événements ? Ou bien, devons-nous considérer dès maintenant que tant qu'une immunité collective ne sera pas atteinte, il sera impossible de remettre en place des événements accueillant des dizaines de milliers de spectateurs ? »
Roselyne Bachelot s'est engagée à rencontrer ce vendredi 29 janvier les organisateurs du festival.
Pauline Demange-Dilasser