La 77e édition du Festival de Cannes est une illustration de la nécessité de préserver un modèle européen de création. Selon la députée européenne Aurore Lalucq, la culture n’est pas une marchandise comme les autres, et l’Union ne peut pas devenir un sous-traitant culturel des concurrents américains.
Le Festival de Cannes vient de fermer les portes de sa 77e édition. Au menu du plus grand festival et du plus gros marché du cinéma au monde : 12 films européens en lice pour la palme d’or et 115 en compétition dans l’ensemble des catégories. Le cinéma européen, cette année encore, fait preuve de son extraordinaire vitalité. Déjà, l’année dernière, Justine Triet remportait la palme d’or avec Anatomie d’une chute, avant de triompher dans le monde entier en remportant plus d’une trentaine de récompenses.
Ce résultat ne doit rien au hasard. Il est le fruit d’un modèle européen de création qui permet au secteur du cinéma de continuer à produire des films variés et de qualité. Un secteur qui fait rayonner l’Europe dans le monde, pèse plus de 130 milliards d’euros et emploie près de 8 millions de personnes en Europe. Mais ce modèle est aujourd’hui remis en cause et fragilisé par des concurrents, notamment américains, qui ne souhaitent plus simplement conquérir une part du marché européen mais bien le dominer tout entier. Une stratégie agressive à visée hégémonique.
La nécessité vitale de soutenir le cinéma européen
Pendant trop longtemps, les dirigeants politiques européens ont abandonné le secteur de la culture en général et du cinéma en particulier, négligeant son importance et sa spécificité, non seulement comme secteur d’excellence économique mais aussi comme élément central de notre démocratie et de notre autonomie stratégique. Dans un monde où les blocs se sont reformés, où les imaginaires et les visions du monde se confrontent, où la démocratie est attaquée, le soutien au cinéma européen n’est pas un choix, un supplément d’âme, mais une obligation, une nécessité vitale.
La mère des batailles sera de maintenir l’exception culturelle européenne. La culture n’est pas une marchandise comme les autres et ne doit pas être traitée dans le cadre du marché unique. Cela passera notamment par l’exemption du secteur audiovisuel dans les négociations entre l’OMC et la Commission européenne.
Ensuite, il s’agira de préserver et promouvoir la structure de financement sur-mesure, redistributive et parfaitement adaptée aux besoins du cinéma. Rappelons ainsi qu’en France, les aides publiques octroyées au secteur du cinéma sont largement autofinancées puisqu’elles proviennent de taxes sur la vente de places de cinéma, sur les services de télévision et sur la vidéo et les services de vidéo à la demande. Les blockbusters américains contribuent donc à financer le cinéma français dans sa diversité. Autrement dit, Disney finance Triet.
Par ailleurs, grâce à une mise en œuvre exigeante de la directive Services de médias audiovisuels (SMA), les plateformes de streaming vidéo telles que Netflix, Amazon ou Disney + sont désormais tenues d’investir au moins 20 % du chiffre d’affaires réalisé en France dans le financement de créations françaises, notamment indépendantes, au même titre que les chaînes de télévision. Or, c’est justement ce principe que certaines plateformes tenteront de remettre en cause, au nom du libre jeu du marché.
Il faudra également se battre pour le maintien de l’exemption accordée au secteur audiovisuel concernant l’exclusivité territoriale. Ce modèle permet en effet d’assurer aux investisseurs une exclusivité d’exploitation dans le temps, sur leur média et sur leur territoire. C’est la condition sine qua none d’un accès pérenne aux financements privés du secteur cinématographique et audiovisuel. Sans cela, le risque est grand d’assister à une augmentation des coûts de diffusion couplée à une diminution des financements disponibles, ce qui affecterait à la fois la qualité et la quantité des œuvres produites.
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