
Depuis la réouverture des salles de spectacle le 22 juin, les acteurs du monde culturel ont dû s’adapter pour ne pas mettre la clé sous la porte. Innovations technologiques, spectacles hors les murs… les salles ont innové pour survivre.
Lors de son allocution du 13 avril, en pleine crise du Covid-19, Emmanuel Macron appelait les Français à « se réinventer, à sortir des sentiers battus ».
La phrase a particulièrement crispé de nombreux acteurs du monde de la culture, secteur qui, depuis le début de la pandémie et malgré une reprise progressive des événements culturels, se sent abandonné, mis de côté. Pour Jean-Michel Ribes, le directeur du théâtre parisien du Rond-Point, la culture a été la grande oubliée des discours régaliens pendant le confinement. « Le mot culture n’a pas été prononcé, c’est un organe de la nation qu’on a éliminé », juge-t-il.
Selon une étude de l’agence marketing L’œil du public réalisée du 1er au 5 juin, seulement un Français sur deux se déclarait prêt à retourner dans un lieu culturel. Et 30 % des 1 250 Français interrogés disaient attendre la fin de la pandémie pour se déplacer dans les théâtres et les salles de spectacle.
« On n’a pas attendu que le président et la ministre de la culture nous disent de nous réinventer pour se bouger, pour innover », tranche Sébastien Beslon, directeur du théâtre parisien de l’Européen. Dès la fermeture des lieux accueillant du public décidée par le gouvernement le 13 mars, Sébastien et son équipe se sont activés. Pendant deux mois, les discussions ne tournaient plus du tout autour de la direction artistique du théâtre, mais des conditions de reprise, d’hygiène et de protection du public et du personnel. L’équipe voulait pouvoir rouvrir au plus tôt pour permettre aux artistes, comme les humoristes Pierre-Emmanuel Barré ou Kheiron, de pouvoir faire rire à nouveau.
Mais impossible, par exemple, d’imaginer une désinfection des 350 fauteuils à la main : le coût des produits et de la main-d’œuvre ferait plonger encore plus les finances du théâtre. Des quatre secteurs différenciés par le ministère de la culture, les arts visuels, l’architecture, le patrimoine et le spectacle vivant, c’est bien ce dernier qui subit le plus les effets de la pandémie : le secteur enregistre une baisse de 72 % de son chiffre d’affaires en 2020 par rapport à 2019.
« On a imaginé énormément de scénarios possibles, et on a fini par trouver », raconte le directeur de l’Européen. La solution ? Le système « Pur ». Un transfert de technologie unique au monde pour un lieu culturel : quarante néons de lumière germicide accrochés à quatre mètres du sol, qui détruisent en 15 minutes 100 % des germes présents dans la salle de spectacle. Les néons, normalement utilisés par les hôpitaux pour désinfecter les salles d’opération, ont été démultipliés pour ne laisser aucune chance au virus. Le dispositif a été imaginé et développé par le Studio Novum, une agence de recherche et de développement des arts de la scène.
Grâce à ce dispositif, au gel hydroalcoolique et aux masques obligatoires pour tous les spectateurs, l’Européen a pu rouvrir et rassurer ses spectateurs dès le 22 juin. « Après des mois à subir les blagues des gens dont ça n’est pas le métier, nous vous proposons de venir passer un moment en live ou sur les réseaux pour assister à des sketchs faits par de vrais professionnels », annonçait le théâtre.
Avec sa soirée « Retour vers la culture », l’Européen a relancé la machine. Le plateau proposé au public rassemblait des humoristes de renom, comme Bun Hay Mean ou encore Tania Dutel, et a fait salle comble, soit 240 fauteuils remplis sur 350 au total, jauge de sécurité de 30 % oblige.
« Une vingtaine de salles de spectacle partout en France m’ont déjà appelé pour connaître notre dispositif, on a innové, on s’est réinventé sans l’aide du gouvernement », ironise Sébastien Beslon.
Hors les murs, les mots résonnent plus
Pour se réinventer, le monde de la culture a tenté. Les artistes ont joué, chanté, fait rire en se mettant en scène sur les réseaux sociaux, ou sur les logiciels de conférence en ligne, comme Zoom ou Skype. L’humoriste breton Pierre-Emmanuel Barré a par exemple réussi le tour de force de publier une vidéo par jour, le « Journal de confinement », 58 épisodes au total. Mais le manque de contact avec le public est vite devenu criant. « Le spectacle vivant, c’est quelque chose de réel, de physique, pas à travers un écran », tonne Leo Domboy, attachée de presse de plusieurs artistes, comme les humoristes Thomas VDB, Rosa Bursztein ou encore Monsieur Fraize.
Les artistes sont aujourd’hui touchés de manière différente par cette reprise culturelle : si l’humoriste de France Inter Aymeric Lompret remplit ses salles grâce à un public jeune qui n’a pas peur du virus, Leo Domboy a dû décaler toute la tournée de Guy Carlier. Son public, plus âgé, refuse de se déplacer et de prendre le risque de se faire contaminer.
Jean-Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-Point, a lui aussi innové. Au tout début du confinement, il avoue avoir eu peur : « On était tous dans le Titanic, en train d’écoper pour ne pas se noyer. Et on a trouvé comment éviter l’iceberg », explique-t-il.
Pour faire revenir son public d’habitués et conquérir une nouvelle audience, il a installé...
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