La région présidée par la socialiste Carole Delga maintient ses subventions et entend valoriser « les créations en immersion dans les territoires ».
Pour faire face à la crise, chacun a sa méthode. Tandis que la région Auvergne-Rhône-Alpes taille à la hache dans ses budgets culture, l’Occitanie opte pour la manière douce. Concertations entre tutelles et artistes, négociations avec les syndicats, ajustements au cas par cas : « Nous ne sommes pas dans une région qui ampute les financements », admet Nicolas Dubourg, président du Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac).
A défaut d’être augmentées, les subventions attribuées par la région présidée par Carole Delga (PS) à ses opérateurs culturels sont maintenues pour l’année 2023. Une décision saluée par les professionnels du spectacle vivant, même si elle est loin de les mettre à l’abri. Entre inflation, revalorisations salariales ou flambée des factures d’énergie, la stabilité des subsides équivaut, en réalité, à une érosion progressive des marges de manœuvre des théâtres. « Nos déficits sont structurels et conjoncturels », explique Nathalie Garraud, codirectrice du Centre dramatique national (CDN) de Montpellier. « Sans refinancement public majeur, nous ne nous en sortirons pas », renchérit Sandrine Mini, directrice de la Scène nationale de Sète (Hérault). « Comment gérer un présent qui s’effondre tout en se projetant, sans visibilité, vers l’avenir ? », insiste Sébastien Bournac, directeur du Théâtre Sorano, à Toulouse.
L’équation paraît insoluble au moment où les factures frôlent des niveaux stratosphériques. Au Théâtre de la Cité, à Toulouse (second CDN de l’Occitanie), le codirecteur Stéphane Gil fait l’addition : « Par rapport aux années précédentes, nous payons 200 000 euros de plus pour le gaz, 120 000 pour l’électricité, 11 000 pour l’eau, sans compter l’augmentation de 5 % des salaires : 90 000 euros. »
Désir d’assainissement
Du côté des collectivités locales, le bilan n’est guère plus brillant. La capacité d’endettement de la région flirte avec le seuil d’alerte. Vice-présidente du conseil régional chargée de la culture, Claire Fita n’accomplira pas de miracles. « Nous préservons le budget culture, mais nous ne serons pas en mesure de répondre au surcroît de sollicitations. Certaines structures exigent une mobilisation immédiate. Pour d’autres, l’urgence est moins évidente. Nous réalisons du sur-mesure. Nous serons très revendicatifs sur la responsabilité de l’Etat par rapport aux augmentations subies par les lieux. »
Si le ministère de la culture a débloqué des aides exceptionnelles (3,5 millions d’euros) pour amortir la hausse des fluides, le compte n’y est pas : « Cet apport représente environ 30 % du surcoût », détaille Nathalie Garraud, qui refuse de ponctionner sa marge artistique pour acquitter ses dettes. Et s’interdit d’augmenter le prix des billets. « Une élévation des tarifs se traduirait par un tri des spectateurs, ce qui serait contraire à la notion de service public », analyse Nicolas Dubourg.
Quels leviers alors activer pour que ces scènes subventionnées ne soient pas contraintes de fermer leurs portes par mesure d’économie ? En Occitanie, l’offensive se partage entre le terrain et les cabinets politiques. Le diagnostic posé par la région a débouché sur un désir d’assainissement. « Face à l’engorgement des créations, aux difficultés de diffusion et au faible nombre de représentations, nous modifions nos accompagnements. Il n’y a plus d’appel annuel à projets mais un appel tous les deux ans. » La méthode devrait permettre, assure Claire Fita, « de mettre fin à un système sclérosé qui entraînait une absence de turn-over entre les compagnies conventionnées ». L’élue ne s’en cache pas : l’objectif est aussi de valoriser « les créations en immersion dans les territoires ». Priorité aux compagnies dont l’action « structurante » se vérifiera en Occitanie et qui sauront prouver qu’elles n’y font pas de la figuration.
Moins de spectacles
Ce recentrage ne fera pas que des heureux. Il va pourtant dans le sens d’une obsession commune : la rationalisation. Assez peu poétique, le mot convoque des logiques gestionnaires qui se déclinent tous azimuts. A la Scène nationale de Sète, Sandrine Mini s’est résolue à restreindre le nombre de représentations par saison. Cent soixante avant le Covid-19, 110 en 2022-2023, sans doute moins en 2023-2024. La directrice se démène, par ailleurs, pour trouver des ressources en dehors des circuits habituels : « Le club des mécènes est notre troisième financeur. Il arrive devant la région et rapporte, en moyenne, 250 000 euros par an. »
Au Théâtre de la Cité, à Toulouse, un plan d’attaque ratisse large : gel de certains recrutements, limitation des durées et des lieux de chauffage, réduction des achats de spectacles et diminution des coréalisations avec les lieux partenaires. « Nous minimisons l’itinérance et le pluridisciplinaire. Nous augmentons le nombre de représentations par projets », annonce Stéphane Gil. Moins de spectacles, mais des durées d’exploitation allongées : si la méthode doit attirer un public élargi, le directeur a toutefois pris soin de...
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